L’Italie de 2018 est confrontée au « péril vieux » : les derniers chiffres publiés par l’Institut national de la statistique révèlent que près de 23 % de la population a plus de 65 ans, pour un âge moyen de 45 ans. Ce constat démographique trouve un écho dans la mode ; la plupart des marques milanaises sont des entreprises dont les designers sont au moins quinquagénaires. Beaucoup sont des structures familiales où les passations de pouvoir sont d’autant plus complexes. Tout fonctionne encore pour l’instant, mais les maisons historiques ne semblent pas pressées de s’interroger sur leur avenir et de faire appel à de jeunes créateurs pour assurer la relève. La semaine de défilés, qui s’est terminée lundi 26 février, livre donc un bilan contrasté entre statu quo et tentatives d’évolution. A 83 ans, Giorgio Armani est un entrepreneur milliardaire qui incarne à lui seul la puissance du luxe italien. Comme chaque saison, il présente ici deux collections, s’efforçant pour chacune de s’inspirer du monde d’aujourd’hui. Pour sa ligne Giorgio Armani, il travaille sur un métissage culturel, symbole de coexistence et non d’exclusion, un thème traduit dans des silhouettes légèrement bohèmes aux textures froissées et aux effets multicolores. Chez Emporio Armani, il est question de mélange des genres et de transgression des règles pour refléter la mixité du monde. Sur le podium, on croise donc des bottes de cow-boy, des tailleurs et des shorts courts, des jupes floues et de longs manteaux fluides. Dans les deux cas, c’est la ligne minimale immuable qui domine et unifie le tout. Car Giorgio Armani et sa vision restent l’unique centre névralgique de la maison, il est le maître absolu de sa destinée. La question de sa postérité sera d’autant plus complexe à gérer le moment venu. Longtemps considérés comme les « petits jeunes » de Milan, Domenico Dolce et Stefano Gabbana approchent aujourd’hui la soixantaine. Le styleDolce & Gabbana, un mélange de baroque pop et de culture italienne, est reconnaissable dans le monde entier. Après plusieurs saisons de défilés animés par des « millennials », enfants de célébrités et jeunes influenceurs des réseaux sociaux, ils reviennent à une formule plus classique avec de vrais mannequins et des thèmes universels. Le défilé confidentiel présenté samedi 24 février montrait une garde-robe sous influence Hollywood, son âge d’or et son glamour, tandis que le show plus officiel de dimanche (ouvert par un ballet de drones présentant des sacs à main) était une véritable messe mêlant avec humour mode et culture catholique. Cette sorte de conte pour adultes possède un charme facilement compréhensible et des qualités photogéniques qui en font une cible parfaite pour les réseaux sociaux. Soit une recette adaptée à l’air du temps, malgré son côté atemporel. Icône mondiale du glamour, Versace a perdu son fondateur, Gianni, il y a vingt ans. Le défilé de septembre 2017 qui lui rendait hommage a été le grand moment de la saison, montrant combien ce style solaire avait encore sa place aujourd’hui. La marque reste une affaire de famille : c’est la sœur de Gianni, Donatella, qui signe seule les collections. On a un temps annoncé l’arrivée d’un codirecteur artistique pour donner un nouvel élan à la maison, Riccardo Tisci puis Kim Jones avaient été pressentis pour ce rôle. Mais rien n’est arrivé. Donatella Versace propose pour l’hiver une collection sous influence anglaise : les tartans et autres tenues d’école à la Harry Potter enrichissent le style de la maison. C’est excentrique et joyeux, mais il manque un petit décalage pour rendre cela pleinement pertinent. Un regard extérieur serait peut-être le bienvenu.

Comments are closed.
© Dur de la feuille Proudly Powered by WordPress. Theme Untitled I Designed by Ruby Entries (RSS) and Comments (RSS).