On dit que la nature a horreur du vide. La politique aussi sans doute. Comment pallier l’absence totale d’engagements concrets de la part des principaux gouvernements du monde pour lutter contre le réchauffement du climat (la COP 23 qui vient de s’achever à Berlin révèle le grand bluff que fut la COP 21 de Paris en 2015) et les atermoiements européens (et au final le renoncement) pour interdire le glyphosate ? Comment dissimuler l’absurdité (au-delà de son cynisme) du macronisme qui brise le travail, appauvrit les pauvres et enrichit les riches ? Par quel bout reconstruire une alternative politique quand la dialectique du eux et du nous supplante la complexité des rapports sociaux ? Les réponses à ces questions sont étonnantes et déroutantes. La presse authentiquement de gauche se livre à une bataille d’une violence extrême sur fond de rapport entre liberté et laïcité, avec le risque permanent de glisser vers une assimilation entre une religion (islam), un projet politique de soumission de l’État de droit (islamisme) et une entreprise criminelle (terrorisme). Cette assimilation, lorsqu’elle est patente, conduit à une confusion entre la libre critique de toute religion et celle des croyants euxmêmes, à qui le respect est dû. Et tout cela se déroule dans une ambiance de vacuité médiatique, au moment où sévit la plus grande crise systémique du capitalisme, dont la mondialisation de celui-ci est grandement responsable. La mondialisation du capital rend dépendants les uns des autres les systèmes productifs autour des « chaînes de valeur », elle entrelace les systèmes bancaires et financiers, elle affaiblit les capacités d’action autonome des États-nations, et elle construit des espaces politiques élargis mais sans gouvernement véritablement représentatif des aspirations des populations (à l’instar de l’Union européenne). Sur ce sujet, l’économiste Dani Rodrik parle de « triangle d’incompatibilité institutionnelle » entre 1) un processus politique démocratique, 2) une mondialisation touchant les échanges économiques et le travail, 3) un espace politique à l’échelle d’un État-nation. La réunion de deux côtés du triangle empêche le troisième. Pourtant, les revendications de souveraineté populaire, de droit à l’autodétermination, d’indépendance, même à des échelons locaux ou régionaux, deviennent de plus en plus précises. S’agit-il d’un antidote à une globalisation aveugle et violente ? Ou bien d’un élément susceptible d’affaiblir encore davantage les États et surtout leurs systèmes sociaux et fiscaux, aggravant ainsi les disparités, les inégalités, voire les discriminations et la xénophobie ?

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